Les réseaux sociaux sont des plateformes de communication en ligne permettant à leurs adhérents de créer des réseaux d’utilisateurs ayant des intérêts communs.
Les chiffres sont éloquents : 80% des enfants de moins de seize ans ont un compte sur un réseau social, ils y passent en moyenne 2 heures par jour… De toute évidence, les réseaux sociaux sont devenus de véritables phénomènes de société, des outils de communication hors norme dont les enfants n’ont pas manquer de s’emparer. Les objectifs sont divers (simple échanges entre amis ou partage de musique, de lieux, de jeux…), et les sites sont nombreux (Twitter, Facebook, LinkedIn, Viadeo, copains d’avant, Snapchat…)
On ne peut toutefois qu’avoir quelques inquiétudes quant aux risques que prendrait un mineur à « surfer » ainsi « sur la toile ». Certes, le réseau social est promu aujourd’hui à la fois comme un outil d’épanouissement personnel, et comme un moyen de favoriser les liens professionnels. L’interposition de l’écran qui semble favoriser un usage désincarné donc protecteur, a laissé le champ libre à une utilisation débridée de ces chères petites têtes blondes. Bien plus, les réseaux sociaux ont contribué à brouiller toutes les normes, grâce à une rhétorique de l’amitié. Aujourd’hui les contours d’un « réseau » sont définis à partir des seuls « followers » – « amis » prétendument acceptés par l’utilisateur. Raisonner ainsi conduit à oublier le caractère a priori public des communications, et la distinction entre sphère publique et sphère privée.
Or, cet outil certes très ludique, car interactif, présentent des spécificités qui en font une source de danger non négligeable pour les enfants, soit en raison de l’anonymat qu’elle laisse parfois imaginer ou que l’enfant croit pouvoir exploiter, soit en raison de la large diffusion d’images et d’informations qui permet à son auteur ou à des tiers de répandre beaucoup plus de données que l’on ne peut imaginer.
De nombreux articles sont régulièrement publiés sur les risques que présentent ces sites pour nos enfants, en tant que victime. Il en est moins, sur les risques de voir les enfants qualifiés d’auteurs d’une infraction. Or, la minorité n’excuse pas tout et n’empêche pas la qualification pénale d’une infraction. En toute hypothèse, elle n’exonère jamais les parents de leur responsabilité civile à raison des fautes commises par leurs enfants. Dès lors, que conseiller à nos enfants : une exclusion pure et simple, ou une utilisation raisonnée ?
L’évolution de la société économique, familiale a répondu pour nous. Il n’est plus possible d’ignorer les réseaux sociaux. Il est même indispensable de savoir les utiliser pour mieux en maitriser les effets pervers. Il convient donc de connaître le cadre juridique de l’utilisation des réseaux sociaux pour aborder avec les enfants un code de bonne conduite. Le législateur lui-même a posé un certain nombre de règles pour encadrer ces pratiques : pour l’essentiel elles tendent à assurer la protection des plus faibles et notamment des enfants, et celle de la vie privée. Les dérives constatées de cette utilisation comme les dispositions légales permettent de définir strictement les pratiques interdites (I), des pratiques encadrées.
Dans certains cas, l’utilisation des réseaux sociaux est interdite en raison de l’âge. Ainsi, si rien n’est prévu explicitement en droit sur cette question des réseaux sociaux, il existe en revanche un certain nombre de disposition qui proscrit la collecte de données des enfants de moins de 13 ans sans l’accord écrit des parents. Cette autorisation étant réputée être écrite, nombre des enfants déjouent cette obligation en se déclarant plus âgés qu’ils ne le sont. Très peu de contrôle à partir des photos ne sont effectués à postériori. C’est donc aux parents de s’assurer que leurs enfants n’ont pas ouvert de compte avant cet âge.
Outre cette pratique prohibée en raison de l’âge de l’internaute, d’autres le sont en raison du contenu des échanges.
Sont ainsi proscrits les propos injurieux, ou diffamatoires. La diffamation comme l’injure sur les réseaux sociaux constitue une publication par voie de presse et peut être poursuivie sur le fondement de la loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse. Il est curieux de constater l’absence de conscience des enfants sur ces questions. Tout récemment, un adolescent poursuivi pénalement pour ces faits avérés contestait toute responsabilité, expliquant que ce n’était pas lui qui avait commis ces actes, puisque c’était son « avatar »…
De même, l’usurpation d’identité est pénalement sanctionnée. Le fait pour un enfant de parvenir sur le compte d’une personne, à partir du mot de passe qu’il aura réussi à récupérer et d’inscrire des communications sur son compte en se faisant passer pour son titulaire relève du pénal. De même, est sanctionné pénalement le fait de pénétrer illégalement sur un serveur informatique et peut justifier une mise en examen de l’enfant pour entrée et maintien irréguliers dans un système informatique, et entrave à ce système.
Sont également prohibés tous propos discriminatoires, qui porteraient atteinte à l’honneur d’une personne à raison de son origine raciale, de son appartenance ethnique ou religieuse. De même sont prohibées, toute forme d’incitation à la haine au meurtre ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes.
Outre ces pratiques prohibées, un certain nombre de limites doivent être fixées afin que l’usage des réseaux sociaux ne soit dangereux pour l’enfant ou ne le conduisent à nuire à autrui.
Il importe que l’enfant adopte une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible sur les réseaux sociaux et donc de les former aux moyens de maitriser leur image publique, et de respecter celle des autres. L’anonymat, le caractère dématérialisé des échanges ne fait pas d’internet une zone de non droit.
Ainsi, l’article 9 du Code civil impose pour diffuser des images d’une personne son autorisation préalable ou celles de ses parents quand elle est mineure. Concrètement, si parler de soi présente un risque en raison de la diffusion d’informations privées à des tiers que l’on ne maitrise pas toujours, il est pire de partager des informations sur les autres, ou de diffuser leurs photos. Il est également préférable de ne pas partager les contenus artistiques (texte, vidéo, musique photos) car ces œuvres ne sont que rarement libres de tous droits d’auteurs (art. L. 111-1 du code de la Propriété Intellectuelle).
En conclusion, il convient d’une part, d’informer très précisément les enfants des conséquences de leurs actes : toute information diffusée au public un jour reste accessible par tous (et notamment les futurs employeurs ou prochaines écoles) , il est très difficile (mais pas impossible) d’effacer ces informations[1].
Il faut d’autre part, les convaincre d’adopter un comportement prudent :
Pour les parents, dont la responsabilité civile ne manque jamais d’être engagée en cas d’infraction de leurs enfants, il importe de surveiller les activités en ligne de leurs enfants, et éventuellement, pour les préadolescents, de mettre en place un outil de contrôle parental. La surveillance peut également intervenir a postériori par un contrôle de l’historique des sites consultés.
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[1] En vertu de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée par la loi du 6 août 2004, les internautes disposent d’un droit d’accès, de rectification, d’opposition et de suppression des données les concernant.