La TVA et les transactions sur les œuvres d’art : un chef-d’œuvre de complexité Régimes, écueils et stratégie

Par Nadine PRODHOMME SOLTNER

La TVA et les transactions sur les œuvres d'art : un chef-d’œuvre de complexité Régimes, écueils et stratégie

La complexité du régime de la TVA sur le marché de l’art suscite rejet et incompréhension des acteurs de ce marché, alors même que son caractère dérogatoire était destiné à les favoriser. Les options sont multiples, absconses, mais déterminantes de la rentabilité des opérations et peuvent constituer de réelles opportunités pour les acteurs du marché de l’art. La compréhension du régime de TVA étant le préalable à l’optimisation fiscale des transactions, le présent article a pour objet de présenter le droit positif, la position doctrinale et l’actualité jurisprudentielle en la matière.

 

Introduction

1 – Malgré la symbolique attachée aux biens culturels, ou peut-être à cause de cette symbolique, l’art a son marché[1]. On entend par marché de l’art, celui des œuvres et objets d’art, y compris donc celui des objets de collection et d’antiquité. Un marché qui, quoiqu’en croissance en valeur absolue ces dernières années, régresse en valeur relative sur le marché mondial, alors que la culture accède enfin au rang de consommation de masse ainsi qu’en témoignent des recherches sociologiques exponentielles[2] et la multiplication des rapports sur la question[3]. Les biens culturels devenus des « produits » voient leurs transactions étudiées en termes de rentabilité, et pas seulement de rentabilité psychologique.

Dès lors, l’incidence des impôts, et notamment de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), est perçue avec plus d’acuité, a fortiori dans un contexte où la concurrence s’établit au niveau international. Précisément, la TVA, parce qu’elle est un impôt sur la consommation, est emblématique de la perception qu’a le législateur d’un marché, d’une part, en raison de la nature même des biens concernés, d’autre part, en ce qu’il affecte tous les contribuables. D’aucuns prétendent que la fiscalité française nuirait au dynamisme du marché de l’art, à son rayonnement[4]. D’autres, au contraire, affirment que cet impôt est indolore pour les professionnels, car ils peuvent déduire la TVA qu’ils ont eux-mêmes acquittée et ainsi faire supporter au seul consommateur final le poids de la TVA collectée. Cette deuxième affirmation doit être tempérée. D’une part, l’assujettissement à la taxe représente un coût économique lié à la gestion administrative de cet impôt que le professionnel collecte pour l’État. D’autre part, la TVA augmente le prix de cession, ce qui peut nuire au positionnement des acteurs, notamment sur un marché international[5].

 

2 – Or, le régime de la TVA sur les transactions du marché de l’art est marqué par son caractère dérogatoire. En consacrant le droit à la culture dans le préambule de la constitution du 27 octobre 1946[6], le législateur a rangé ce droit parmi la catégorie des « droits créances ». La nature de ce droit induit une intervention législative, mais en la forme d’actes positifs destinés à rendre ce droit effectif. L’art est marchandise, certes, mais c’est avant tout un bien culturel dont l’État doit également promouvoir la création, et la commercialisation : l’enjeu n’est plus seulement économique, mais social. Cela explique, notamment, la multiplication des régimes fiscaux dits « de faveur » : régime de franchise en base, taxation forfaitaire ou de la marge bénéficiaire, régime simplifié d’imposition, taux spécifiques, etc. Le régime de TVA sur les œuvres d’art est tellement complexe qu’il en est devenu inaccessible. Les raisons de ces multiples régimes dérogatoires sont pourtant louables : remédier aux conséquences de la rémanence de TVA[7], adapter cet impôt indirect aux spécificités des activités de certains professionnels, soit en raison de la rotation exceptionnellement lente de leur stock notamment pour les antiquaires, soit en raison de leur rôle en faveur de la création et du soutien aux artistes, tels les galeristes. Mais les professionnels du marché de l’art comme les artistes s’y perdent et subissent un contentieux d’autant moins bien vécu qu’il est principalement lié à une incompréhension du régime, de ses modalités d’application comme de ses fondements.

 

3 – Néanmoins, la complexité du régime juridique n’a jamais constitué un motif d’exonération pour celui qui en méconnaît les dispositions. Pour cette raison, et également parce qu’il faut que la culture emprunte l’efficacité au domaine des affaires, le contribuable doit faire du régime fiscal un outil de gestion. Il est donc inenvisageable de ne pas maîtriser ces aspects fiscaux, qui peuvent devenir des arguments essentiels dans le cadre de l’acquisition ou de la diffusion de créations. Enfin, la complexité du système offre de nombreuses « options » aux opérateurs qui peuvent, en les exploitant à bon escient, réaliser de substantielles économies, voire être totalement exonérés. Ce chef-d’œuvre de complexité – comme toute œuvre d’art – ne peut donc être apprécié sans une bonne compréhension des règles et objectifs qui ont présidé à sa réalisation. C’est à cette condition que pourra se concevoir une véritable stratégie fiscale. L’étude attentive de ces régimes dérogatoires met en exergue deux caractéristiques majeures : la gradation des taux de TVA, entendue au sens large dans le cadre de la présente étude puisqu’elle inclut l’absence d’imposition à la TVA (1), et la variation des assiettes d’imposition en cas d’assujettissement du vendeur (2).

 

1. La gradation des taux d’imposition 

4 – Les transactions sur les œuvres d’art réalisées par les professionnels sont assujetties à la TVA et soumises au taux normal de la TVA (19,6 %), sous réserve de l’application de régimes de franchises ou d’exonération (A). Toutefois, certaines transactions bénéficient du taux réduit, ce qui soulève en pratique de nombreuses difficultés (B).

 

A. – Les principes du droit commun

5 – Les opérations portant sur des biens d’occasion, des œuvres d’art ou des objets de collection ou d’antiquité obéissent en principe aux règles de droit commun. Leur assujettissement à la TVA dépend classiquement :

 

– de la nature de ces opérations : livraisons de biens (cession d’une sculpture par exemple) ou prestations de services (telle la location de cimaises), importations de pays tiers ou acquisitions intracommunautaires, etc.

 

– de la qualité du cédant : il doit s’agir d’un assujetti qui réalise cette activité économique de manière indépendante, à titre habituel et onéreux, donc un professionnel ;

 

– du chiffre d’affaires réalisé chaque année. En deçà de certains seuils, le cédant ne sera pas assujetti à la TVA par application du régime de franchise en base. Ce régime s’applique en deçà de 81 500 € HT de chiffre d’affaires[8], s’il s’agit d’une activité de livraison de biens, et de 32 600 € HT[9] s’il s’agit de prestations de services (CGI, art. 293 B, 1) pour l’année 2011.

 

6 – Concrètement, le régime de droit commun concerne donc principalement les intermédiaires professionnels : galeristes, antiquaires, brocanteurs, commissaires priseurs[10] qui vendent des œuvres d’art, originales ou non[11].

 

B. – Les règles spéciales excluant l’application de la TVA

1° Les différents régimes de franchise

7 – Outre le régime de franchise en base de droit commun visé supra n° 5, deux régimes de franchise spécifiques sont prévus :

– le premier est accordé aux « auteurs d’œuvres de l’esprit » qui ont réalisé au cours de l’année précédente, au titre des livraisons de leurs œuvres et de la cession des droits patrimoniaux, un chiffre d’affaires n’excédant pas 42 300 € pour 2010 (CGI, art. 293 B, III et 293 B, V) ;

– le deuxième s’applique si l’artiste accomplit des opérations qui ne sont pas comprises dans la franchise spéciale (telles la location d’une partie de l’atelier, les activités d’enseignement hors atelier ou les prestations de services), si le chiffre d’affaires de l’année précédente pour ces activités spécifiques n’excède pas 17 400 €[12].

L’intrication de ces régimes de franchise appelle des précisions sur leurs conditions de cumul et des effets du dépassement des seuils. Un artiste susceptible de relever de la franchise spéciale peut opter pour le régime de franchise en base de droit commun. Mais il ne peut cumuler les deux régimes. En revanche, les deux régimes spéciaux de franchise se cumulent en cas de pluralité d’activités. Dans ce cas, le bénéfice des franchises s’apprécie distinctement en fonction, d’une part, du chiffre d’affaires des deux catégories d’activités respectives, d’autre part, du cumul de franchises spéciales qui ne peut avoir pour effet d’augmenter la limite de la franchise en base « principale »[13]. Pour faciliter la compréhension du cumul, on serait tenté de qualifier de « régime accessoire » le régime de franchise spécial s’appliquant aux opérations qui ne sont pas visées par la franchise des auteurs d’œuvres de l’esprit. Car le dépassement de la limite de la franchise principale fait perdre automatiquement le bénéfice de la franchise accessoire. À l’inverse, le dépassement de la limite de la franchise accessoire est sans incidence sur l’application de la franchise principale. Notons enfin, que la règle générale qui autorise en principe à pouvoir conserver le régime de franchise l’année suivant le dépassement du chiffre d’affaires limite ne s’applique pas aux franchises en base spéciales.

On remarquera pour terminer :

– que l’artiste ayant plutôt vocation à livrer des biens (et non à effectuer des prestations de services) aura dans nombre de cas intérêt à se prévaloir du régime de franchise en base de droit commun (seuil fixé à 81 500 € en 2011), plutôt que du régime de franchise spéciale (seuil de 42 300 €) ;

– qu’il peut être intéressant pour l’artiste de préférer l’assujettissement à la TVA, ce qui lui permet de récupérer la TVA grevant ses achats professionnels et les charges qu’il supporte dès lors qu’elles sont nécessaires à l’exercice de sa profession.

 

2° Les exonérations bénéficiant à certaines opérations

8 – Outre les exportations et les livraisons intracommunautaires exonérées en vertu du droit commun, certaines opérations portant sur des œuvres d’art bénéficient d’une exonération. Il en est ainsi des importations lorsqu’elles sont destinées à enrichir les collections des musées, des revenus tirés des enseignements artistiques qu’ils dispensent lorsqu’ils sont rémunérés directement par l’élève (CGI, art. 261, 4, 4°, b), et des prix et récompenses, aides, bourses, à la création artistique s’ils n’impliquent pas de contrepartie, que ce soit sous forme de livraison d’une œuvre d’art ou d’une prestation de service. Il conviendrait de compléter avec les références pour chaque exonération.

 

B. – L’assujettissement de certaines transactions à un taux réduit (5,5 % ou 2,1 %) 

1° Le champ d’application du taux réduit 

9 – Pour certaines transactions, le taux est réduit à 5,5 %, voire à 2,1 % en Guadeloupe, à la Martinique et à la Réunion (CGI, art. 278 septies). L’application de ce taux réduit étant dérogatoire, elle est d’interprétation stricte et concerne :

– les livraisons d’œuvres d’art originales par l’artiste ou ses ayants droit ;

– les acquisitions intracommunautaires et importations d’œuvres d’art, d’objets de collection ou d’antiquités, réalisées par un assujetti ou une personne morale non assujettie ;

– les livraisons d’œuvres d’art réalisées à titre occasionnel par une personne qui les a utilisées pour les besoins de son exploitation, et chez qui elles ont ouvert droit à déduction (entreprise mécène qui aurait acheté une œuvre d’art et la revendrait) ; 

– les acquisitions intracommunautaires d’œuvres d’art qui ont fait l’objet d’une livraison dans un autre État membre par d’autres assujettis que des assujettis revendeurs ;

– les livraisons de photographies d’art ; 

– les cessions de droits patrimoniaux attachés à ces œuvres (tel le droit de reproduction et de rémunération pour copie privée par exemple).

 

2° Les difficultés d’application du taux réduit

10 – Les conditions qui déterminent l’application du taux réduit conduisent à l’exclusion d’un certain nombre d’objets et d’un certain nombre de transactions : soit parce que la notion d’œuvre d’art ou d’objet de collection ou d’antiquité est entendue de manière trop étroite, soit encore, en raison du caractère international des transactions.

 

a) Les difficultés liées à la qualification de l’objet de la transaction

11 – La notion d’œuvre d’art. – L’article 98 de l’annexe III au CGI présente une liste des œuvres devant être considérées comme des œuvres d’art et dont la cession peut bénéficier du taux réduit. Cette liste est exhaustive[14]. Il n’est pas donné une définition abstraite de la notion d’œuvre d’art. Cette absence de définition emporte deux conséquences. D’une part, il est nécessaire de revenir à la liste pour déterminer si l’œuvre bénéficie de ce régime dérogatoire. D’autre part, ce cantonnement à l’énumération du législateur des objets qui sont fiscalement considérés comme une œuvre d’art, rend hasardeuse toute assimilation d’une œuvre qui ne correspondrait pas exactement à une mention de l’article 98 A du CGI. Ainsi, la liste ne tient pas compte des multiples expressions de la créativité contemporaine[15], et exclut de facto tout ce qui relève de l’art conceptuel, en cantonnant la qualification d’œuvre d’art à des critères de forme[16].

 

12 – Toutefois, l’étude attentive de cette liste permet de dégager trois critères récurrents que l’on peut considérer comme communs aux différents biens énoncés : celui du nombre d’exemplaires, celui de l’originalité et enfin le caractère intentionnel. Ainsi, s’agissant du premier critère, le législateur réserve le taux réduit aux tableaux et céramiques uniques, ou encore aux photographies, dès lors qu’elles ne sont pas produites à plus de trente exemplaires tous formats confondus[17]. Au-delà, les cessions sont soumises au taux de 19,6 %. Il en est de même des transactions sur des sculptures, tapisserie et émaux sur cuivre au-delà de huit exemplaires originaux. S’agissant du critère de l’originalité, la jurisprudence et la doctrine s’accordent à considérer que l’œuvre d’art doit être réalisée par l’artiste ou sous son contrôle. Il ne fait nul doute néanmoins que le récent élargissement de la notion d’œuvre originale par le magistrat judiciaire, qui vient d’être admise pour les fontes posthumes à partir d’une œuvre réalisée par surmoulage, justifierait aujourd’hui que les ayants droit de l’artiste tentent de se prévaloir du bénéfice du taux réduit pour cette catégorie d’objets[18]. Mais, par définition, une œuvre posthume étant réalisée après le décès de l’auteur, a fortiori dans un matériau différent de celui utilisé par l’auteur, n’est pas réalisée sous son contrôle. Le débat reste donc ouvert. Le troisième critère repose quant à lui sur l’intention créatrice de l’auteur, laquelle correspond à une quête d’esthétisme, ou à l’expression d’une réflexion sur l’esthétisme. On réalise bien la subjectivité de ce critère et par voie de conséquence l’aléa qui entoure sa qualification[19].

 

13 – La notion d’objet de collection et d’antiquité. – Le taux réduit s’applique également aux acquisitions intracommunautaires et importations des objets de collection et des objets d’antiquité. Ceux-ci sont également définis à l’article 98 A de l’annexe III au CGI :

« III. – Sont considérés comme objets de collection les biens suivants, à l’exception des biens neufs :

1° Timbres-poste, timbres fiscaux, marques postales, enveloppes premier jour, entiers postaux et analogues, oblitérés ou bien non oblitérés mais n’ayant pas cours et n’étant pas destinés à avoir cours ;

2° Collections et spécimens pour collections de zoologie, de botanique, de minéralogie, d’anatomie, ou présentant un intérêt historique, archéologique, paléontologique, ethnographique ou numismatique.

IV. – Les objets d’antiquité sont les biens meubles, autres que des œuvres d’art et des objets de collection, ayant plus de cent ans d’âge ».

 

14 – S’agissant des objets de collection, la CJCE a précisé les qualités requises d’un objet pour qu’il puisse bénéficier de ce régime : il doit s’agir d’un objet relativement rare, qui n’est pas utilisé conformément à son utilisation initiale, qui fait l’objet de transactions spéciales (en dehors des circuits commerciaux habituels), et qui a une valeur élevée[20]. Cette jurisprudence a permis de retenir comme constituant des objets de collection les objets meublants de moins de cent ans (notamment, le mobilier « Art nouveau » et les « Arts décoratifs » qui, sans cette extension, auraient été exclus de ce régime de faveur), certains articles de joaillerie, d’orfèvrerie et de bijouterie et certains articles de la table et de la mode vestimentaire[21]. Cette qualification reste hélas soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond[22].

 

b) La notion d’auteur, notion à géométrie variable

15 – Ainsi qu’on l’a vu supra, les « auteurs d’œuvres de l’esprit » bénéficient d’un régime de franchise en base spécifique. Ce régime bénéficie à tous les auteurs des œuvres de l’esprit telles que définies par les paragraphes 1 à 12 de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle. S’agissant du taux réduit, seuls sont visés les « auteurs d’œuvres originales », telles que désignées par l’article 98 A de l’annexe III au CGI. Tous les auteurs ne bénéficient donc pas d’un même régime de TVA.

 

c) Les opérations internationales

16 – Le régime de TVA appliqué lors de l’introduction en France d’une œuvre d’art varie selon que cette œuvre provient d’un État tiers à l’Union européenne ou d’un État membre de l’Union.

 

17 – L’importation d’une œuvre d’art, d’un objet de collection ou d’antiquité est taxée à 5.5 % lors de la « déclaration de mise à la consommation » du passage en douane[23]. La TVA exigible est calculée sur la valeur déclarée, la douane se contentant de vérifier la nature et la valeur des biens concernés. Les importations de meubles de moins de cent ans d’âge, les manuscrits et les bijoux sont quant à elles taxées au taux normal de 19,6 %.

Toutefois, une œuvre importée temporairement en vue d’une exposition, d’une restauration[24] ou d’une vente éventuelle peut se faire en suspension de taxe (CGI, art. 275 et 276[25] ; CGI, art. 262 ter[26]). Ce régime de suspension de la TVA à l’importation, réservé aux professionnels, est conditionné à une demande formelle d’admission temporaire auprès de l’administration des douanes, au dépôt d’une caution des droits et taxes normalement dus[27], ainsi qu’à la localisation impérative du bien à un endroit déclaré au receveur. Cette suspension est accordée pour six mois, renouvelable jusqu’à vingt-quatre mois, et devra être régularisée à son terme par sa réexportation ou son importation définitive, donc au paiement des droits subséquents. Ce système offre l’avantage d’un report d’exigibilité de la taxe normalement due jusqu’à la revente.

 

18 – En cas d’acquisition intracommunautaire, la TVA, applicable au taux réduit ou normal, est toujours réputée comprise dans le prix d’achat et payée par le fournisseur.

 

19 – Les règles actuelles, qui conduisent à assujettir à la TVA au taux normal ou réduit les importations, tandis que les exportations sont exonérées, entrave le retour des œuvres d’art en France[28]. Ainsi que l’avait justement remarqué MM. Aicardi et Chandernagor, puis M. Gaillard. Un tel « régime procède d’une mauvaise compréhension du marché de l’art : à la différence des marchés de biens et services, c’est l’exportation qui appauvrit et l’importation qui enrichit »[29].

 

2. La variation des assiettes d’imposition

20 – Les acteurs du marché de l’art ne sont pas tous soumis au même régime en matière de base d’imposition à la TVA, certains pouvant opter pour un régime leur permettant de modifier celle-ci. L’économie alors réalisée par une option adéquate peut être déterminante de la rentabilité de la transaction. Toutefois, les options fiscales requièrent beaucoup de rigueur et de capacité d’anticipation et il convient de distinguer les régimes propres aux intermédiaires commerciaux (A) et ceux propres aux cessionnaires non commerciaux (B).

 

A. – Intermédiaires commerciaux : le régime de la taxation sur la marge

21 – L’intermédiaire commercial désigne le professionnel assujetti qui, dans le cadre de son activité, acquiert ou affecte des stocks à la revente en son nom propre. Ce sont les assujettis revendeurs. Plus concrètement, ce régime vise les négociants en objets d’art, ou d’occasion, les antiquaires, brocanteurs, galeristes, négociants et, dans certaines hypothèses, les commissaires priseurs[30]. Conformément aux articles 297 A à 297 F du CGI, ils peuvent bénéficier d’une base d’imposition privilégiée : le système de taxation sur la marge. Il correspond désormais à la règle communautaire générale. Celui-ci offre deux options : le régime de la marge bénéficiaire et le régime de la marge forfaitaire.

 

1° Le régime de la marge bénéficiaire 

22 – Le régime de la marge bénéficiaire permet de retenir une base imposable autre que le prix de vente comme cela est traditionnellement retenu en droit commun. La base imposable correspond à la différence entre le prix de vente et le prix d’achat de l’œuvre d’art. Elle sera taxée au taux de 19,6 % (référence ?)[31].

 

24 – Les raisons. – L’objectif du législateur est de remédier aux effets de rémanence de la TVA. De fait, l’assujetti professionnel revendeur détient bien souvent le bien d’un particulier non assujetti (collectionneur, artistes, héritiers). Le professionnel intermédiaire ne peut donc déduire de TVA collectée puisque l’acquisition n’a pas été assujettie à cette taxe.

 

25 – Les conditions. – L’objectif du législateur permet de mieux comprendre les conditions d’application. Ce régime ne concerne certes que les ventes[32] d’œuvres d’art, de biens d’occasion ou d’antiquités qui ont été achetés en vue de leur revente[33]. En cas de cession de biens autres que ceux susmentionnés, les règles de droit commun s’appliquent, et la taxation est calculée sur le prix de vente total. En outre, ce régime n’est pas applicable à l’ensemble des opérations réalisées par l’assujetti, car cela dépend de la qualité de son ayant droit. L’acquisition du bien doit avoir été réalisée, soit auprès d’un assujetti revendeur qui a lui-même vendu selon le régime de la taxation sur la marge, soit auprès d’une personne non redevable (personne physique ou morale non assujettie, tel l’achat auprès d’une entreprise qui l’aurait acquise dans le cadre du mécénat), soit qu’il bénéficiait lui-même du régime de la marge[34], soit encore auprès d’une personne non autorisée à facturer la TVA (tel l’artiste ayant bénéficié du régime de franchise en base). Dans cette dernière hypothèse, le fournisseur doit avoir établi une facture mentionnant que la TVA n’était pas due sur la cession[35]. C’est à l’assujetti revendeur d’apporter la preuve que l’acquisition n’est pas assujettie à la TVA[36]. Se trouvent de facto exclues les reventes d’un bien préalablement importé d’un pays tiers à l’Union Européenne.

 

26 – Les modalités. – Le régime de la marge peut se faire sous deux formes, soit en se calculant « au coup par coup », c’est-à-dire opération par opération ; soit en appliquant la méthode dite de « globalisation », c’est-à-dire se calculant de manière globale, pour une période donnée. Dans les deux cas, les factures ne mentionnent ni le taux, ni le montant de TVA[37]. Dans la première hypothèse, les opérations bénéficiaires ne peuvent pas se compenser avec les pertes[38]. Alors que la compensation entre les bénéfices et les pertes au cours de la même période s’applique pour la méthode de globalisation. Par cette méthode globale, la base d’imposition est calculée pour la période de référence[39] par la différence entre le montant total des ventes et le montant total des achats (CGI, art. 287). La marge globale ainsi obtenue étant toutes taxes comprises, elle sera ramenée au montant hors taxes[40]. Si la marge globale est négative au terme de la période, l’assujetti revendeur n’a pas un droit à restitution de TVA.

 

Cette méthode présente l’inconvénient d’imposer à l’assujetti une évaluation annuelle du stock (CGI, art. 297 A, II)[41], la tenue d’une comptabilité par taux d’imposition, et par système, lorsque plusieurs systèmes coexistent au sein de l’entreprise.

 

2° Le régime de la marge forfaitaire (CGI, art. 297 A, III)

27 – Ce régime [42] permet de calculer la TVA sur une marge présumée être de 30 % du prix de vente HT [43]. Ce régime est extrêmement avantageux. Il reste réservé à une catégorie bien précise de transactions, ce que permet de comprendre la téléologie de ces dispositions.

 

28 – Les raisons. – Le régime de la marge forfaitaire est un régime dérogatoire et complémentaire du régime de la marge générale, conçu en faveur des galeristes qui promeuvent et soutiennent les artistes plasticiens[44]. En effet, très souvent les galeries s’engagent contractuellement auprès d’artistes à prendre en charge leurs dépenses courantes (résidence, subsides) et à réaliser des actions de promotion (publication, participation à des foires, affiches, organisation de vernissage) en échange de la fourniture régulière d’œuvres d’art. Le coût d’achat de l’œuvre d’art est dans ce cas difficile à évaluer. C’est en outre un régime réservé aux négociants qui constituent des stocks conservés pendant de nombreuses années. La valeur d’achat est présumée non significative lorsque les œuvres ci sont détenues depuis plus de six ans, en raison de l’érosion monétaire et de l’évolution des connaissances scientifiques, comme des goûts esthétiques.

 

29 – Les conditions. – Ce régime est réservé aux livraisons. Les prestations de services en sont donc exclues[45]. Les biens visés sont les mêmes que ceux définis à l’article 98 de l’annexe III au CGI, auxquels s’ajoutent les pièces d’ébénisterie de plus de cent ans, dont la rareté et l’estampille attestent l’originalité. Sont également concernées les lithographies originales vendues pour un prix global et à la double condition que la valeur du cadre soit en rapport avec le prix de l’œuvre encadrée, et que la cession du cadre soit indissociable de la vente de la lithographie [46]. L’article 297 A de l’annexe III au CGI dispose que le régime de la taxation sur la marge forfaitaire peut être appliqué lorsque le prix d’achat ne peut être déterminé avec précision ou qu’il n’est pas significatif. C’est là, la condition majeure de l’application du régime.

 

30 – Les modalités. – Le contribuable doit rapporter la preuve par tous moyens qu’il a réalisé des opérations de promotion ou délivré des subventions[47], ou/et s’est engagé contractuellement à l’égard des artistes à le faire, ou encore que le bien se trouve en stock depuis plusieurs années[48]. Ce régime est en outre subordonné à la souscription d’une option du contribuable. La simple remise de la déclaration de TVA ne vaut pas option tacite du régime de la marge forfaitaire[49]. Contrairement à l’option pour le régime général, formulée par le bénéficiaire du régime de la marge opération par opération, l’option pour le régime de la marge globale prend effet le premier jour du mois suivant sa formulation, et vaut jusqu’à la fin de la deuxième année civile. Elle est reconduite tacitement, à défaut de dénonciation au moins deux mois avant l’expiration de chaque période.

 

3° Options multiples : un choix byzantin et risqué

31 – Il arrive que le contribuable n’ait pas le choix. Ainsi, en l’absence de document justifiant le prix d’achat et permettant de déterminer la marge, et faute de pouvoir se prévaloir des conditions d’application du régime de la marge forfaitaire, la livraison sera assujettie à la TVA sur le prix total.

 

32 – Mais s’il a le choix entre plusieurs options, il doit être extrêmement vigilant quant à leur mise en œuvre. Il est constant que la rotation des stocks des galeristes, antiquaires et autres négociants en objets d’art est très lente. Partant, l’assujetti revendeur est tenté, pour alléger sa trésorerie, de déduire la TVA qu’il aura supportée au moment de l’acquisition. L’option pour l’application du régime général à des opérations normalement taxables sur la marge se fait sans formalités particulières, opération par opération. Mais, l’assujetti revendeur doit avoir mûrement réfléchi avant de déduire cette TVA. Car, la déduction par l’assujetti revendeur de la TVA qui lui a été facturée lui interdit ensuite de se prévaloir du régime de la marge. La jurisprudence considère en effet que la déduction de la TVA au moment de l’acquisition du bien vaut renonciation irrévocable au bénéfice de la marge[50]. Bien plus, les pénalités de mauvaise foi prévues à l’article 1729 du CGI assortissent bien souvent les redressements correspondants, car l’erreur quant aux formes de l’option est assimilée par le juge administratif à une rétention indue de la TVA.

 

33 – En revanche, l’assujetti revendeur peut opter pour le régime de la marge forfaitaire et solliciter ensuite l’assujettissement de la transaction au régime de droit commun. Lors de la revente, il peut solliciter la modification de son régime d’assujettissement, et à cette occasion déduire la TVA qu’il aura lui-même supportée quelques mois ou années auparavant. Il importe bien évidemment de ne pas déduire la TVA qu’il aura versée à son fournisseur du fait de l’acquisition à ce moment. La déduction ne devra intervenir qu’au moment de la livraison du bien en cause (CGI, art. 297 D, II). L’option doit dans ce cas être formulée expressément par lettre adressée à la direction des services fiscaux. Par conséquent, en cas de doute, le contribuable a tout intérêt à se prévaloir du régime de la marge, auquel il pourra renoncer au jour de la revente, si cela présente un intérêt.

 

34 – Toutefois, l’option pour le régime de la marge n’est pas sans risque. Ainsi, il n’est pas applicable si le bien vendu a été acquis d’un redevable à la TVA dans un État membre de l’Union européenne soit directement, soit indirectement[51]. Ainsi en est-il lorsque le bien a été importé, a été livré par un assujetti qui a facturé la TVA, ou encore a fait l’objet d’une acquisition intracommunautaire taxable. Dans certains cas, hélas, le fournisseur peut prétendre, à tort, n’être pas assujetti, afin de favoriser la cession en laissant penser à son acquéreur que celui-ci pourra bénéficier du régime de la marge. Il importe peu que l’assujetti revendeur se soit basé sur l’affirmation de celui-ci, dès lors qu’il connaissait la qualité de professionnel des fournisseurs de son vendeur et que ces activités étaient régulières[52].

 

35 – De même, la méthode « au coup par coup » exige de connaître exactement le prix d’achat de chaque bien vendu. Il est donc a priori exclu quand un bien fait partie d’un lot. En revanche, la méthode forfaitaire pourra dans ce cas être utilisée.

 

B. – Les cessionnaires non commerciaux : l’incidence du cadre juridique des transactions sur le régime fiscal

 

1° Les artistes et les ayants droit

36 – Pour l’artiste ou son ayant droit assujetti, l’assiette de l’imposition varie en fonction du contrat qui le lie au vendeur, et éventuellement celui qui le lie au galeriste ou au négociant. Si la cession intervient sans intermédiaire professionnel, la base imposable correspond au prix de vente. Si, au contraire, un intermédiaire intervient dans le cadre de la cession, trois hypothèses se présentent.

 

Tout d’abord, si la galerie loue ses cimaises, l’artiste reste propriétaire de ses œuvres. Il supporte généralement tous les frais de publicité et de promotion liés à l’exposition. Dans ce cas, la facture afférente à la cession de l’œuvre, délivrée à l’acquéreur, est établie au nom de l’artiste. L’assiette de la TVA correspond au prix de vente. La galerie facture, quant à elle, la location des cimaises à l’artiste (sous forme de forfait ou calculé sur les ventes réalisées). Cette location est elle-même assujettie en principe à la TVA, qui correspond à une TVA déductible pour l’artiste. Ensuite, si la galerie intervient en qualité de commissionnaire, c’est-à-dire en qualité de professionnel agissant pour le compte d’un commettant, en l’espèce, d’un artiste, on doit distinguer selon que la galerie est un intermédiaire « transparent » ou « opaque ». Elle est transparente si elle agit clairement au nom de l’artiste. La TVA sur le prix de vente figure alors sur la facture établie par l’artiste. La galerie est donc assujettie sur sa seule rémunération[53]. En revanche, si la galerie intervient comme un intermédiaire opaque, elle est réputée avoir acquis l’œuvre pour lequel elle s’est entremise. En qualité d’assujetti revendeur, elle devra donc établir une facture en son nom, assujettir la cession à la TVA, mais pourra bénéficier du régime de la marge. Enfin, une troisième hypothèse permet aux galeries d’acheter directement aux artistes les œuvres réalisées. Si l’artiste choisit de se soumettre au régime général d’assujettissement, l’assiette correspond aux sommes reçues de la galerie, qui facturera à son tour la vente au consommateur final. Le régime de l’assujettissement, et plus précisément la base d’imposition, dépendra donc de la nature du contrat qui lie les parties à la transaction.

 

2° Les commissaires priseurs

37 – Les récentes réformes du statut des commissaires priseurs n’ont pas affecté les règles d’assujettissement à la TVA de leurs activités. Néanmoins, leur statut judiciaire ou volontaire, selon qu’ils interviennent en qualité d’officier public ministériel pour les ventes judiciaires, ou pour le compte de sociétés commerciales pour les ventes amiables, peut conduire à une concomitance de régimes de taxation[54]. Leurs activités sont principalement soumises à la TVA, plus rarement aux droits d’enregistrement. « Les rémunérations faisant l’objet des tarifs applicables aux officiers publics ministériels et aux auxiliaires de justice s’entendent hors taxe sur la valeur ajoutée »[55]. De manière générale, le commissaire-priseur est considéré comme un intermédiaire « opaque » entre le vendeur et l’acheteur. Ces règles diffèrent selon que le vendeur est assujetti redevable de la taxe ou non. S’il intervient pour un assujetti, les ventes que réalise le commissaire-priseur sont assujetties à la TVA. Il sera donc taxable sur la « marge » qu’il réalise, c’est-à-dire sur la différence entre le prix total payé par l’adjudicataire et le montant net qu’il a reversé à son commettant (CGI, art. 297 A, II, 1 et 2). Il peut cependant se prévaloir du régime de droit commun, donc appliquer la TVA sur le prix d’adjudication total, ramené hors taxe par application du coefficient de conversion [56]. Quand le vendeur est non redevable de la TVA (ainsi en est-il s’il s’agit d’un particulier) ou est un professionnel qui a lui-même bénéficié du régime à la marge, le commissaire-priseur peut à son tour opter pour le régime de la marge. C’est le régime privilégié dans 95 % des cas.

 

38 – En revanche, les ventes aux enchères publiques de biens meubles corporels sont assujetties à des droits d’enregistrement lorsque le vendeur n’est pas un assujetti à la TVA, redevable de cette taxe au titre de l’opération ou exonéré de celle-ci pour les biens destinés à l’exportation ou faisant l’objet d’une livraison intracommunautaire sur ces opérations[57]. Ces droits correspondent, d’une part, à un droit proportionnel de 1,20 % perçu au profit de l’État et prévu par l’article 733 du CGI, d’autre part, aux taxes locales additionnelles prévues aux articles 1584, 1595 et 1595 bis du même code[58]. L’assiette est composée du prix de vente tel que mentionné au procès-verbal augmenté des charges imposées aux acquéreurs.

 

Conclusion

39 – En multipliant les régimes dérogatoires, le législateur répondait à un vœu : celui de promouvoir les plus belles expressions de la création artistique. Mais la kyrielle de dispositions fiscales, de régimes dits de faveur qui se sont superposés nuit aujourd’hui à la cohérence de l’ensemble, à l’efficacité des différents régimes de taxe sur la valeur ajoutée, et surtout suscite la perplexité et le plus souvent une franche incompréhension des acteurs du marché de l’art. Ce n’est certes pas parce que l’art est un signe extérieur de richesse culturelle et matérielle[59] que l’on peut exonérer leurs acteurs des charges publiques, mais c’est peut-être une raison suffisante pour chercher à l’adapter à la spécificité des échanges. L’étroite marge de manœuvre de la France à l’égard de Bruxelles, comme la faiblesse de l’enjeu financier, ne saurait justifier l’inertie du législateur, a fortiori lorsque l’on se remémore les efforts de l’État français et des organisations professionnelles, couronnés de succès, pour que soit réformée la TVA du secteur de la restauration[60].

 

[1] L’économie de la culture ne s’est vue attribuer un champ propre qu’à partir des années 80, ainsi qu’en témoigne la publication d’un journal de la culture en 1977 (Journal of Cultural Economics : Springer US, ISSN 0885-2545 (imprimé) et 1573-6997 (en ligne)).

[2] Pour ne citer que les travaux les plus emblématiques, P. Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement : Éditions de Minuit, 1979. – R.. Moulin, L’Artiste, l’Institution et le Marché : Flammarion, 1992. – N. Heinich, La sociologie de l’art : Éditions de La Découverte, coll. Repères, 2004, p. 48 et s.

[3] V. en particulier, M. Aicardi, A. Chandernagor et Y. Gaillard, Les conditions du développement du marché de l’art en France : Doc. fr., 1999. – Y. Gaillard, Marché de l’art, les chances de la France : Rapp. Sénat n° 330, 1998-1999. – M. Lellouche, La fiscalité du marché de l’art en Europe : Rapp. AN n° 649, 2002-2003, établi pour le compte de la Délégation pour l’Union européenne. – M. Bethenod, Propositions en faveur du développement du marché de l’art en France : Rapp. à Christine Albanel, 2008.

[4] Le rapport Doing Business de la Banque mondiale classe la France au 55e rang mondial en matière d’attractivité fiscale en 2010, sur 183 États (classés sur la base des taux d’imposition, de la complexité des systèmes fiscaux, et de la qualité des mécanismes de recouvrement de l’impôt), tandis que la moyenne de l’Union se situe à 44,2.

[5] M. Bethenod, Propositions en faveur du développement du marché de l’art en France, préc.

[6] Préambule de la Constitution de 1946 (extrait) : « La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».

[7] La rémanence de TVA est liée au fait que les fournisseurs des professionnels assujettis sont souvent des particuliers. Les biens constituant ces stocks, n’ayant pas été assujettis à la TVA, les professionnels ont peu de TVA à déduire. La TVA qu’ils collectent et qui doit être reversée à l’État ne sera donc pas réduite d’une TVA déductible.

[8] Il s’agit du seuil maximum qui aurait été dépassé au cours de l’année précédente (seuil 1). Mais si le CAHT de l’année en cours dépasse 89 600 €, le contribuable sera aussitôt assujetti à la TVA pour les transactions suivantes (seuil 2). Lorsqu’un professionnel dépasse le seuil 1 au cours d’une année (sans excéder le seuil 2), il devient assujetti à la TVA seulement au 1er janvier de l’année suivante. Au contraire, lorsque le professionnel dépasse le seuil 2 d’un régime de franchise en base (qu’il s’agisse du régime de droit commun ou du régime spécifique aux artistes), il devient redevable de la TVA pour les opérations effectuées à compter du premier jour du mois au cours duquel le chiffre d’affaires limite à été dépassé, V. Instr. 9 déc. 2008 : BOI 3 F-2-08 ; Dr. fisc. 2008, n° 51, instr. 13985.

[9] Ce qui correspond au montant des transactions de l’année précédente, c’est-à-dire au seuil 1. Tandis que le seuil 2 s’élève à 34 600 €. Pour plus de détails, V. Dr. fisc. 2011, n° 1, comm. 40.

[10] Les commissaires priseurs peuvent dans certains cas voir leurs opérations assujetties à des droits d’enregistrement, V. infra n° 35 à 38XX.

[11] A contrario, il exclut l’application de la TVA aux cessions réalisées par des particuliers, dès lors que cette activité ne constitue pas une activité économique régulière, dont le contribuable tirerait une source essentielle de son revenu.

[12] Cette franchise cesse de s’appliquer dès lors que le chiffre d’affaires hors taxes de l’année en cours dépasse 20 900 € (seuil 2).

[13] Doc. Adm. 3 F-312, 15.

[14] Article 98 A, II : « Sont considérées comme œuvres d’art les réalisations ci-après :

1° Tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l’artiste, à l’exclusion des dessins d’architectes, d’ingénieurs et autres dessins industriels, commerciaux, topographiques ou similaires, des articles manufacturés décorés à la main, des toiles peintes pour décors de théâtres, fonds d’ateliers ou usages analogues ;

2° Gravures, estampes et lithographies originales tirées en nombre limité directement en noir ou en couleurs, d’une ou plusieurs planches entièrement exécutées à la main par l’artiste, quelle que soit la technique ou la matière employée, à l’exception de tout procédé mécanique ou photomécanique ;

3° À l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie, productions originales de l’art statuaire ou de la sculpture en toutes matières dès lors que les productions sont exécutées entièrement par l’artiste ; fontes de sculpture à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l’artiste ou ses ayants droit ;

4° Tapisseries et textiles muraux faits à la main, sur la base de cartons originaux fournis par les artistes, à condition qu’il n’existe pas plus de huit exemplaires de chacun d’eux ;

5° Exemplaires uniques de céramique, entièrement exécutés par l’artiste et signés par lui ;

6° Émaux sur cuivre, entièrement exécutés à la main, dans la limite de huit exemplaires numérotés et comportant la signature de l’artiste ou de l’atelier d’art, à l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie ;

7° Photographies prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus ».

[15] Les performances, l’art corporel, les happenings, comme les ready made (objets de la vie courante promus au rang d’œuvre d’art), les réalisations de plasticiens (installations, art vidéo) s’avèrent exclus de cette liste, alors que dans le même temps installations et performances sont définies et rapprochées des expositions d’art contemporain par l’instruction fiscale du 9 décembre 2008 pour bénéficier du régime prévu par la loi du 25 décembre 2007 relative au mécénat « spectacle vivant » des particuliers, V. Instr. 9 déc. 2008 : BOI 5 B-19-08 ; Dr. fisc. 2008, n° 51, instr. 13988.

[16] J. Kosuth, Art after philosophy I-III : Studio International, oct. 1969, vol. 178, p. 915 à 917 (http://www.ubu.com/papers/kosuth_philosophy.html) : « L’événement qui permit de concevoir et de comprendre qu’il était possible de “parler un nouveau langage” tout en conservant un sens à l’art fut le premier “ready-made” de Marcel Duchamp. À partir du “ready-made”, l’intérêt de l’art ne porte plus sur la forme du langage, mais sur ce qui est dit. Ce qui signifie que le “ready-made” fit de l’art non plus une question de forme, mais une question de fonction. Cette transformation – ce passage de l’apparence à la conception – marqua le début de l’art moderne et celui de l’art “conceptuel”. Tout l’art (après Duchamp) est conceptuel ».

[17] S’agissant des photographies d’art, la qualification est conditionnée au fait que celles-ci doivent non seulement être prises par le photographe mais également tirées par lui ou sous son contrôle, signées ou authentifiées par lui, numérotée et bien sûr, limitées à trente exemplaires.

[18] CA Paris, pôle 5, ch. 1, 27 oct. 2010, RG n° 06/22882 : JurisData n° 2010-026226 ; JCP G 2011, 107, note A. Lucas-Schloetter.

[19] S’agissant de la définition retenue pour les photographies d’art, la doctrine renvoie aux conditions requises pour le régime d’exonération de la taxe professionnelle (Instr. 2 juill. 2003 : BOI 3 C-3-03 ; Dr. fisc. 2003, n° 30-35, instr. 13039) : Composition, cadrage, lumière, éclairage, volumes, choix de l’objectif, de la pellicule, du mode de développement sont autant de facteurs révélateurs de l’intention créatrice. L’intention créatrice peut être établie par d’autres éléments objectifs tels que les expositions des œuvres dans des institutions culturelles publiques ou privées ou leurs publications dans des revues spécialisées – en ce sens, V. Chambaud, Art et fiscalité : Ars Vivens, 2011, 4e éd., spécialement p. 88.

[20] CJCE, 10 oct. 1985, aff. C-200/84, Erika Daiber c/ Hauptzollamt Reutlingen. – CJCE, 10 oct. 1985, aff. C-252/84, Collector Guns GmbH & Co c/ Hauptzollamt Koblenz.

[21] Instr. 10 déc. 2008 : BOI 3 K-2-08 ; Dr. fisc. 2008, n° 51, instr. 13991. Selon la doctrine administrative, les objets de collection neufs sont exclus du régime spécial.

[22] V. Rapport d’activité 2006 du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques : Doc. fr., 2007, p. 17, qui explique la délocalisation à l’étranger de ces œuvres par l’acception restreinte de la notion d’œuvre d’art en France.

[23] La TVA est à 5,5 % est calculée sur la valeur CIF (Cost : valeur de l’objet ; Insurance : frais d’assurance ; Fret : frais de transport).

[24] Très souvent l’exonération se fait alors dans le cadre du perfectionnement actif-suspension. Ce régime permet d’expédier un objet d’art pour effectuer sur celle-ci un complément d’ouvraison dans un pays tiers, puis de faire revenir cette « marchandise » dans le territoire douanier de la Communauté afin de poursuivre la transformation jusqu’à l’obtention du produit compensateur qui est exporté (article 114 à 129 du Code des douanes communautaire et article 496 à 523 et 536 à 550 des dispositions d’application du Code des douanes communautaires).

[25] Avis d’importation en franchise A. 1.2.

[26] Qui définit les conditions de détermination du contingent d’achat en franchise.

[27] La douane n’exige bien souvent de garantie qu’à hauteur de 10 % de la valeur du bien. On substitue en outre souvent cette garantie à la production dune police d’assurance pour les commissaires priseurs, les galeristes ou les antiquaires affiliés auprès d’un organisme reconnu par l’administration des douanes (ex, Comité professionnel des galeries d’art et syndicat national des antiquaires). Normalement, seul le particulier est tenu de verser la garantie, cf. A. Cazarre, Direction des douanes, in Y. Gaillard, Marché de l’art, les chances de la France, préc.

[28] [28] Cf. les multiples rapports précités rendus sur cette question – R. Capia, Quelle place pour le marché de l’art en France : CCIP, 2000.

[29] Y. Gaillard, Marché de l’art, les chances de la France, préc.

[30] Doc. adm. 3 K-122, § 1-4, 15 sept. 1995.

[31] Le taux doit être au moins égal à 15 % précise la 7e directive.

[32] Ce qui exclut du régime de la marge, les ventes de biens collectées gratuitement, cf. Rép. min. n° 51128 à M. Idrac : JOAN Q 2 avr. 2001, p. 1956.

[33] CAA Paris, 5e ch., 26 nov. 2009, n°08PA00510, Sté RLD Ateliers de Morsang : l’assujetti revendeur qui n’a pas acheté des lithographies en vue de les revendre, mais les a reçus de l’artiste en contrepartie des prestations qu’il a exécuté pour le compte de l’artiste, ne peut se prévaloir du régime de la marge.

[34] Toutefois, l’Administration peut remettre en cause l’application du régime de la marge, s’il est démontré que l’assujetti revendeur ne pouvait ignorer que son fournisseur n’était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de la marge, CE, 9e et 10e ss-sect., 4 août 2006, n° 278274, SA Warsemann automobiles : JurisData n° 2006-080992 ; Dr. fisc. 2007, n° 7, comm. 188, concl. S. Verclytte ; Dr. fisc. 2007, n° 15, étude 405 ; RJF 11/2006, n° 1335. – Dans le même sens, CE, 9e et 10e ss-sect., 29 oct. 2008, n° 292894, SA Nord Distribution Automobile-SE et n° 292895, SAS Garage de l’autoroute-SE : JurisData n° 2008-081408 ; Dr. fisc. 2008, n° 50, comm. 615, concl. P. Collin, note D. Kaczynski ; RJF 1/2009, n° 20.

[35] CAA Bordeaux, 3e ch., 7 juin 2011, n° 10BX01325, Sté LGDA : La jurisprudence est extrêmement rigoureuse s’agissant de la qualité de non assujetti du fournisseur. Elle considère que la seule facture du fournisseur ne faisant pas apparaître de TVA ne suffit pas à établir la bonne foi de l’assujetti revendeur, qui ne peut ignorer la conséquence de la qualité de professionnels des propres fournisseurs de son fournisseur.

[36] CAA Douai, 2e ch., 25 janv. 2011, n° 09DA00803, Moyaux. – CE, 22 nov. 1972, n° 81158, SA Léon Landy.

[37] Ils doivent en revanche y indiquer la référence à l’article 297 E du CGI ou toute autre mention indiquant que l’opération bénéficie du régime de la marge.

[38] Le prix d’achat correspond au prix facturé par le fournisseur. Si le fournisseur a pris à sa charge le transport, les frais subséquents ne peuvent être inclus dans le prix d’achat. En revanche, tous les éléments qui ont grevé le coût de la vente ouvrent un droit à déduction (commissions, frais de réparation, matière première, etc.).

[39] S’agissant des redevables soumis au régime du réel normal, la période de référence est mensuelle. Toutefois, si la taxe exigible est inférieure à un certain montant, les redevables sont autorisés à opter pour la déclaration trimestrielle. Pour les redevables placés sous le régime simplifié d’imposition, le régime global s’appliquera à l’occasion de la déclaration annuelle.

[40] La marge réputée TTC sera ramenée au prix HT par application du coefficient idoine (0, 836 pour le taux à 19,6 % et 0,947 pour le taux à 5,5 %). Ainsi si la différence entre les achats et les ventes au cours d’un mois permet de dégager une différence positive de 1000 €, et que la session est assujettie au taux normal, donc 19,6 %, cette marge TTC sera ramenée à sa valeur HT (1000x 0,836 = 836 € HT). La TVA due sera de 836 X 19,6 % = 163,86 €).

[41] Au terme de l’exercice, une variation positive du stock représente la valeur d’achat de l’année qui s’ajoute aux achats de l’année suivante. Au contraire une variation négative, viendra en réduction du montant des achats de l’année suivante.

[42] Instr. 17 févr. 1995 : BOI 3 K-1-95 ; Dr. fisc. 1995, n° 12, instr. 11341.

[43] Lorsque le vendeur indique au client un prix TTC, il convient de ramener le prix indiqué à un montant HT. Celui-ci est obtenu en appliquant au prix TTC le coefficient correspondant au taux de 30 % du taux légal (par exemple 0,944 qui correspond au coefficient de 30 % x 19,6 %), puis en ne retenant que 30 % du résultat obtenu (soit pour un prix TTC de 10000 € : 9440 x 30 % = 2832. TVA correspondante : 2832 x 19,6 % = 555,07 €).

[44] Il suffit que l’assujetti revendeur pratique ces opérations de promotion pour certains artistes, pour que le régime de la marge forfaitaire puisse s’appliquer à l’ensemble des opérations qu’il réalise.

 

[45] Tel le dépôt vente par un artiste de ses œuvres par la location de cimaise moyennant une commission, cf. CE, 9e et 8e ss-sect., 16 nov. 1992, n° 89367, M. Namy : JurisData n° 1992-051852 ; Dr. fisc. 1993, n° 51, comm. 2447. – Ou les commissions perçues par un argent commercial d’un éditeur vendant des lithographies originales, cf. CAA Nantes, 1re ch., 30 sept. 1997, n° 95NT00533, M. Petigny : JurisData n° 1997-056251 ; Dr. fisc. 1998, n° 17, comm. 360.

[46] Doc. adm. 3 K-222, § 20, 15 août 1995.

[47] BOI 3 K-1-95, préc., § 59 à 61.

[48] CAA Nantes, 1 ch., sect. B, 30 juin 2006, n° 05NT00639, Gabillet : Le simple fait d’avoir commis des erreurs d’enregistrement comptable, ayant par ailleurs généré un redressement, n’établit pas que le prix d’achat ne peut être déterminé avec précision, et donc, ne permet pas de se prévaloir de l’application du régime de la marge.

[49] CAA Paris, 5e ch., 11 juin 2009, n° 07PA04268, SARL Faunes.

[50] CAA Paris, 3e ch., 27 mars 2008, n° 04MA00523, Galerie Roger Pailhas.

[51] CAA Paris, 9e ch., 6 juill. 2011, n° 09PA02620, MCC.

[52] CAA Bordeaux, 3e ch., 7 juin 2011, n° 10BX01325, Sté LGDA, préc. – Toutefois, dans le sens contraire, cf. TA Poitiers, 2e ch., 10 avr. 2003, n° 02-326, SA Le Forum de l’Automobile : RJF 12/2003, n° 1365 ; BDCF 12/03 n° 151, concl. P. Rouault-Chalier: « Il n’incombe pas à l’acheteur, dès lors que son fournisseur se présentait comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, et qu’il n’était pas manifeste qu’il y échappât, de vérifier, en tant qu’acheteur, la réalité de cet assujettissement ». – Dans le même sens, TA Poitiers, 2e ch., 19 juin 2003, n° 02-436, EURL Sèvres Auto-Courtage : RJF 12/2003, n° 1365 ; BDCF 12/2003, n° 151, concl. P. Rouault-Chalier. Ces décisions peuvent être utilement rapprochées des décisions selon lesquelles un assujetti revendeur peut se prévaloir du caractère déductible de la TVA figurant sur les factures qu’il a réglées, dès lors que la preuve d’une collusion frauduleuse entre lui et le vendeur n’est pas rapportée, cf. CE, 8e et 9e ss-sect., 29 déc. 1978, n° 9405, min. c/ Schaff : Dr. fisc. 1980, n° 11, comm. 606, concl. P. Lobry ; RJF 2/1979, n° 70. – CE, 9e et 8e ss-sect., 22 nov. 1978, n° 2419, Semeillon : JurisData n° 1978-600078 ; Dr. fisc. 1979, n° 22, comm. 1140, concl. D. Fabre ; RJF 1/1979, n° 12.

[53] Les sommes perçues au titre des débours, et figurant comme telles sur un compte de passage, ne sont pas assujetties à la TVA, cf. Instr. 31 juill. 1992 : BOI 3-CA-92 ; Dr. fisc. 1992, n° 33-38, instr. 10665.

[54] Depuis la réforme du 10 juillet 2000 (L. n° 2000-642, 10 juill. 2000 ; D. n° 2001-650, 19 juill. 2001) le commissaire-priseur judiciaire est seul compétent pour organiser et réaliser les ventes de meubles aux enchères publiques prescrites par la loi ou par décision de justice, ainsi que les prisées correspondantes. En revanche, les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont désormais organisées et réalisées par des sociétés de forme commerciale : les sociétés de ventes volontaires agréées (SVV).

[55] D. n° 94-757, 24 août 1994.

[56] L’adjudication est réputée être fixée toutes taxes comprises.

[57] H. Bastien, Circulation des biens culturels dans le cadre communautaire et international : JCl. Civil Code, Propriété littéraire et artistique, Fasc. 1090 et 1995.

[58] Instr. 9 août 2001 : BOI 7 D-3-01 ; Dr. fisc. 2001, n° 38, instr. 12694. Toutefois une exonération de droits d’enregistrement en faveur des ventes aux enchères publiques d’objets d’art, d’antiquité ou de collection, est prévue lorsque la vente est organisée sous certaines conditions, par, et au profit exclusif d’organismes d’intérêt général, à vocation humanitaire d’assistance ou de bienfaisance, L. n° 2000-1353, 30 déc. 2000, art. 23 : JO 31 déc. 2000, p. 21175 ; Dr. fisc. 2001, n° 4, comm. 35.

[59] Y. Gaillard, Marché de l’art, les chances de la France, préc.

[60] Instr. 30 juin 2009 : BOI 3 C-4-09 ; Dr. fisc. 2009, n° 28, instr. 14139.