(Article publié dans la revue Parenthèse – mars 2014)
En 2014, plus d’un mariage sur deux se solde par un divorce… Ce chiffre effraie. Mais des solutions apaisées existent.
Psychologues et sociologues ont beau répéter que le grand nombre induit une forme de banalisation, que les enfants ne sont pas nécessairement les victimes de cette décision, dans un contexte de séparation la douleur est très souvent là, à peine palpable, ou violente, générant son lot de réactions exacerbées et de comptes que l’on voudrait voir réglés judiciairement. Dès lors, un objectif s’impose : trouver une solution pacifiée. À défaut d’avoir réussi son mariage, il est possible de réussir son divorce, voire de maintenir son mariage sous une autre forme, respectueuse des priorités et des valeurs de chacun. De fait, la sociologie du couple connaît aujourd’hui un tournant à la fois théorique, méthodologique et épistémologique.
Le droit s’est adapté. Après s’être consacrés pendant des années aux causes et aux conséquences du divorce, législateur et praticiens se concentrent de plus en plus sur les voies médianes et pacifiées, soit en accompagnement du divorce, soit en substitut.
Le pacte de famille
Dans l’enceinte du cabinet, très souvent, apparaît de manière criante que le conjoint n’est pas « prêt ». Pas prêt à divorcer, pas prêt à voir ses va- leurs voler en éclat, pas prêt à regarder le père ou la mère de ses enfants partir sous d’autres cieux… Question de sentiments, question de valeurs et pas seulement religieuses. Le divorce ne s’impose donc pas nécessairement. Il est même quelques fois inenvisageable dans un premier temps. Le juge peut alors aménager les rapports des époux. Le lien matrimonial produit des effets juridiques – notamment l’obligation de secours, de fidélité ou de cohabitation – que l’on ne peut ignorer ; pas plus que les intéressés ne sauraient y renoncer. Cela ne signifie pas que les époux ne puissent pas conventionnellement les aménager, avant de songer à la voie judiciaire. Par un pacte de famille, les époux vont chercher eux-mêmes le schéma de vie le plus conforme aux besoins et priorités de chacun, en considération de leur histoire familiale, personnelle et de leur situation professionnelle. Le terme même du pacte « de famille » qui unit les conjoints dans ce contexte est symbolique de la priorité conférée par chacun à la famille. Toute solution peut être imaginée.
Ce pacte est né de la pratique des avocats soucieux de trouver des solutions pour apaiser les conflits. Il a vocation à organiser la vie de famille momentanément, pendant une période de séparation, soit pour se donner le temps de la réflexion, soit pour expérimenter un nouveau mode d’organisation. C’est aussi une solution pour gérer les conséquences immédiates d’une séparation, avant la saisine d’un juge et en raison de délais trop longs, afin d’éviter une procédure plus contentieuse qui devrait, pour espérer voir le juge statuer dans un délai inférieur à 4-5 mois, prendre la forme d’un référé contribution aux charges du mariage.
Cette contractualisation des rapports entre les époux est prise en considération par le législateur, s’agissant des enfants, mais aussi, quoique plus prudemment, à l’égard des relations entre les époux.
S’agissant des enfants, l’article 373- 2-7 du Code civil prévoit même la possibilité de faire homologuer par le juge aux affaires familiales ledit pacte qui organiserait les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixerait la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Ainsi revêtus de la formule exécutoire, ces pactes peuvent, si un conflit naissait ultérieurement, faire l’objet d’une exécution forcée. Exit donc les antichambres bondées des salles d’audience, l’audience minute où les époux stressés ne se rappellent même plus leurs prénoms donc s’avèrent incapable de réfléchir sereinement à des solutions respectueuses des intérêts de leurs enfants, de leur conjoint et des leurs.
Le pacte régissant les relations entre les époux, notamment leur devoir de cohabitation, de fidélité et de secours, quoiqu’ayant une moindre autorité, dispose aussi d’un cadre juridique intéressant. Là aussi, l’homologation n’est qu’une option soumise au libre-choix des parties. L’article 1117 du code de procédure civile prévoit que « lorsqu’il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclu entre eux ». L’article 268 du Code civil prévoit là aussi une possibilité d’homologation de ces pactes de famille, et ce depuis 2004. Ainsi, tant qu’il n’est pas homologué par le juge, le pacte de famille n’a que la valeur morale que les époux voudront bien lui conférer, mais il pèse désormais de manière prégnante sur la décision du juge en cas de conflit et le jour où il doit statuer.
Matérialiser un accord par écrit c’est ainsi pacifier les relations pour l’avenir, c’est aussi parler du présent et « s’entendre » au sens propre et au sens figuré. La démarche contentieuse n’est donc pas une fatalité, même en cas de divorce ainsi que le droit collaboratif l’organise.
Le droit collaboratif
Le droit collaboratif a été organisé tout d’abord aux États-Unis, par un avocat désireux de trouver une solution aux frustrations et au stress vécus par chacun dans le système judiciaire. C’est donc un processus de résolution des conflits. Les avocats des époux vont conduire leurs clients à la résolution des litiges, hors contentieux judiciaire, pour trouver une solution pérenne et respectueuse des intérêts de chacun.
Le droit collaboratif ou « L’amour se divorce à l’amiable » : parce qu’il donne des outils pour chercher et trouver un consensus sur mesure, en totale adéquation avec les besoins du couple et hors du cadre strict proposé par le juge et la loi, le droit collaboratif rencontre un succès grandissant.
Les outils sont identiques à ceux utilisés en droit des affaires ou pour le règlement des successions : après plusieurs ré- unions, précisément organisées par les avocats formés à ces techniques de négociation, et de communication, les époux et leurs conseils vont imaginer des solutions procurant un bénéfice mutuel et fondés sur des critères objectifs et respectueux de la loi. L’objectif est de favoriser la « collaboration » plutôt que la « confrontation ». Ces rencontres et les rendez-vous individuels qu’auront les époux avec chacun de leur avocat vont leur per- mettre de dégager les ressorts secrets, les motivations profondes qui sous-tendent et motivent quelques fois inconsciemment la demande première. Ces priorités et inquiétudes exprimées en toute loyauté et transparence vont permettre à chacun d’avancer vers une solution amiable et des concessions réciproques.
La convention qui sera ensuite rédigée sera soumise à l’homologation du juge lui conférant ainsi le même caractère exécutoire qu’une décision de divorce obtenue sous une forme contentieuse, mais sera ô combien protectrice des intérêts de la famille.