Le travail élève l’individu en même temps qu’il le construit et lui permet de se réaliser. En principe. Toutefois, il peut être aussi le lieu des inégalités économiques et de paupérisation, voire de violences morales. Quel que soit l’auteur de ces faits de violence – collègue ou supérieur hiérarchique-, rien ne saurait justifier leur tolérance.
Des statistiques interpellent : 2.55 millions de salariés en burn out en France aujourd’hui contre 2,4 millions de chômeur. Le risque est désormais plus grand de sombrer en raison de ses conditions de travail que de devenir chômeur.
Il appartient à chacun des acteurs de l’entreprise de prévenir, d’alerter, et/ou de les sanctionner. Des outils existent. Ils sont à la disposition de l’employeur comme des salariés pour empêcher ces agissements et aider les victimes, très souvent démunies et fragilisées par la situation.
Engageons-nous. Le harcèlement moral est un délit : cela signifie qu’il engage non seulement la responsabilité civile, mais aussi la responsabilité pénale de l’employeur et de l’auteur direct des faits. Chaque acteur social au sein de l’entreprise doit collaborer, donner du sens sa place dans l’entreprise et tout mettre en œuvre pour accompagner les victimes de ces actes à identifier la nature de ces faits (I), et envisager les solutions possibles (II).
Les contours de cette notion sont circonscrits par la loi et relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Les condamnations pour ces faits sont de plus en plus souvent prononcées en raison de la prise de conscience des salariés des effets à court terme et long terme d’agissements répétés de harcèlement moral. Les fondements sont multiples.
L’article L.1152-1 du code du travail dispose :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
L’article L1152-2 du code du travail ajoute :
« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. »
La charge de la preuve est subtile. L’article L 1152-4 du même code prescrit au chef d’entreprise de prendre toutes disposition nécessaire en vue de prévenir les agissements précités. Cette obligation répond à l’obligation de sécurité résultat de l’employeur quant à la santé du salarié.
En cas de litige, il appartient au demandeur – le salarié-, d’établir les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement, conformément aux dispositions de l’article L.1154-1 du code du travail (Cass. Soc. 21 novembre 2012, n° 11-20.352).
La charge de la preuve d’un harcèlement moral ne pèse donc pas exclusivement sur le salarié.
Par un arrêt du 25 janvier 2011, la Cour de cassation a précisé que « les faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral constituent un ensemble et doivent être appréciés dans leur globalité » (Cass. Soc. 25 janvier 2011, n ° 09-42.766).
De plus, l’article 222-33-2 du Code pénal dispose :
« Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. »
Aucune condition de lien de subordination n’est requise. Le harcèlement moral peut ainsi être commis par l’employeur, son représentant, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné, une personne étrangère à l’entreprise…
Il résulte de l’article L. 1152-1 du code du travail que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel. Il n’est donc pas nécessaire de prouver l’intention de l’auteur pour caractériser le harcèlement moral (Cass. Soc. 31 janvier 2012, n° 10-25.716).
Le délit n’implique pas non plus que soient constatés des agissements répétés de nature différente, ni que ces agissements aient initialement eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la dignité et à la santé de la victime (Cass. Crim. 26 janvier 2016, n°14-80.455).
Le harcèlement moral peut prendre plusieurs formes.
Il peut s’agir notamment de :
refus des moyens techniques pour assurer ses missions et tâches,
reproches incessants,
méthodes de gestion inappropriées (donner des ordres et contre-ordres),
surcharge de travail,
mépris affiché,
propos humiliants à l’occasion de rendez-vous individuels ou pire, en réunion,
multiplication de messages/mails dégradants,
retrait progressif au salarié de ses fonctions, prérogatives et informations de sorte que celui-ci soit mis à l’écart de l’entreprise.
Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, mais des formes les plus courantes de harcèlement moral.
Il s’agit souvent d’un faisceau d’indices qui regroupe plusieurs comportements qui, dans leur globalité, constituent des faits de harcèlement moral. En effet, si un comportement isolé ne peut caractériser celui-ci, la multiplication de ces incidents le fait.
Les solutions sont les suivantes :
Préalablement à tout recours, il importe de s’assurer que la preuve des faits de harcèlement est établie. Cela signifie que le salarié doit acter par des témoignages écrits et des mails, ou des messages téléphoniques, la réalité de ces agissements répétés, et conserver ces preuves par-devers lui par des moyens sûrs (disque dur externe).
Très rapidement, et avant que le salarié ne s’expose à une dégradation de ses conditions de travail qui l’affecterait durablement, des recours peuvent être réalisés, avec l’assistance de son avocat.
Dans ce contentieux comme dans d’autres, plus l’accompagnement par l’avocat est anticipé, plus il est facile de parvenir à une solution négociée qui serait conforme aux priorités, objectifs et inquiétudes de chacune des parties. Chaque solution doit être individualisée pour répondre très exactement aux impératifs et limites que connaît le salarié.
Au préalable, il est indispensable de prévenir l’employeur, et/ou de l’alerter des faits de harcèlement. Il convient d’envoyer une trace écrite de chacun des faits susceptibles de retenir cette qualification et des conséquences de ces faits : dégradation des conditions de travail, altération de la santé physique ou mentale, troubles de l’humeur, etc.
Il convient simultanément d’alerter le comité social et économique (CSE) et les représentants du personnel. Il entre dans la mission de ce comité d’exercer un droit d’alerte pour prévenir l’employeur de tout cas de harcèlement moral identifié et de la nécessité de prendre des mesures pour voir cesser ces faits, et mener une enquête interne qui permet à l’employeur de satisfaire à ses obligations légales.
Il est intéressant également en cas de harcèlement de le signaler à l’inspection du travail. Un agent de contrôle va vérifier si les faits signalés constituent un harcèlement.et pourra réaliser une enquête. Après enquête, si l’inspecteur du travail constate une infraction, il en informe le Procureur de la République.
Le rôle de ces acteurs est de tenter de concilier les parties. Des discussions seront engagées, soit à l’occasion de réunions de médiation ou de conciliation, soit directement entre les avocats, et c’est encore mieux, à l’occasion d’une réunion avec le représentant de l’employeur, le salarié et les avocats de chacune des parties.
L’objectif est de trouver une solution conforme aux intérêts de chacun, soit à l’intérieur de l’entreprise par un changement de service ou une mutation par exemple, soit par une rupture du contrat de travail dans des conditions qui prendraient en compte le préjudice subi par le salarié, mais qui offriraient un dénouement de la situation pacifié et rapide.
Vous disposez d’un délai de 5 ans après le dernier fait de harcèlement pour saisir le Conseil de prud’hommes.
Si l’employeur se montre fermé à une solution de médiation et conciliation, vous devez saisir le Conseil des prud’hommes pour obtenir réparation du préjudice subi, éventuellement demander la résiliation judiciaire de votre contrat de travail aux torts et grief exclusif de votre employeur, ou faire constater une prise d’acte, qui emportera les mêmes conséquences qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (voire nul), et notamment les dommages et intérêts correspondants.
Si vous avez été licencié après avoir dénoncé le harcèlement, vous pourrez également dénoncer le caractère abusif de ce harcèlement.
Il faudra à cette occasion vous assurer que vous disposez des moyens de preuves directes ou indirectes de ces faits de harcèlement.
Que l’employeur soit directement l’auteur des faits du harcèlement, ou qu’il s’agisse d’un de ses subordonnés, directeur, ou même simple collègue, l’action sera engagée devant le Conseil des prud’hommes contre l’employeur. Celui-ci a en effet une obligation de sécurité résultat à l’égard de son salarié quant à la protection de la santé de ce dernier.
Quand celle-ci est affectée, sa responsabilité est engagée.
Le harcèlement moral constitue également une infraction pénale, tant pour l’auteur direct des faits (supérieur hiérarchique, collègue, fournisseur…), que pour l’employeur.
Un syndicat peut également, avec l’accord écrit du salarié, engager à votre place une action en justice. Il agit donc non ans non pas en son nom, mais au nom du salarié et pour votre compte
Il s’agit d’une sanction qui est très souvent crainte par les employeurs en raison de la publicité négative qu’elle produit sur les entreprises. Toutefois, pour les mêmes raisons, il convient de manier cette procédure avec précaution, afin que cela n’affecte pas les chances de succès d’une solution négociée.
Il peut être intéressant, si le harcèlement moral paraît motivé par une forme de discrimination, de saisir le Défenseur des droits.
Si la victime a le sentiment que ces agressions sont liées à sa couleur de peau, son sexe, son âge ou son orientation sexuelle, le Défenseur des droits, après avoir vérifié la situation, va pouvoir, grâce à de larges pouvoirs d’investigation, établir la réalité de la discrimination. Après une tentative de médiation, éventuellement de transaction pénale, le Défenseur des droits peut déclencher une poursuite pénale contre l’employeur et faire dans ce cas, une citation directe.
N’attendez pas qu’il soit trop tard.