Acheter un Bien immobilier pendant une procédure de divorce : vraie fausse bonne idée ?

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Par Nadine PRODHOMME SOLTNER

Acheter un Bien immobilier pendant une procédure de divorce : vraie fausse bonne idée ?

Lorsque la procédure de divorce s’avère longue, notamment en raison d’un contentieux qui s’éternise, que ce soit pour « tourner la page » ou se « construire une nouvelle vie », un des époux peut envisager investir dans un bien immobilier. Un tel investissement est à étudier avec prudence, a fortiori quand les époux sont mariés sans contrat de mariage. Des solutions existent, mais ne sont pas sans risques.

Si les époux sont mariés sans contrat de mariage, ou sous le régime de la communauté universelle, tout bien acheté pendant le mariage tombe dans la masse commune et est donc réputé appartenir aux deux (art. 1401 c.civ.). La communauté des époux perdure donc tant que les époux ne sont pas divorcés, et donc également après l’ordonnance de non conciliation.

Tel n’est pas le cas des époux mariés sous le régime de séparation de bien. Les patrimoines étant indépendants, un conjoint peut acheter un bien sans risque (dès lors qu’il n’utilise pas des fonds indivis, notamment tirés d’un compte commun).

A défaut de contrat de mariage, le régime de la communauté réduite aux acquêts s’applique et répute commun tous biens ou revenus acquis, ou entrés dans le patrimoine des époux après le mariage, à l’exception des donations et successions. Seuls les biens acquis avant le mariage restent propres.

Malgré cette difficulté, si l’époux est déterminé à investir, différentes options s’offrent à lui :

– Se prévaloir de la rétroactivité des effets du divorce,

– Faire une déclaration de remploi s’il est en mesure d’établir que le bien est financé exclusivement par des biens propres,

– Créer une SCI, qui sans affecter la nature des biens (les parts de SCI), rendront plus difficiles les opérations de liquidation,

– Demander à son conjoint d’intervenir à l’acte.

Option 1 : Se prévaloir de la rétroactivité des effets patrimoniaux

La date des effets du divorce concernant leurs biens peut être fixée conventionnellement par les époux ou judiciairement s’ils ne sont pas d’accord. Cette date est de manière générale fixée à la date de l’ordonnance de conciliation, ou à la date où ils ont cessé de cohabiter et collaborer (art. 262-1, al. 2 c.civ.). Dès lors, tout bien acquis après l’ordonnance de conciliation sera rétroactivement considéré comme propre. L’inconvénient de cette option est son caractère incertain.

Le bien ne sera considéré comme propre qu’au jour du divorce et reste subordonné soit à l’accord des époux (d’où l’opportunité des divorces conventionnels), soit à la décision du juge (justice tristement humaine donc aléatoire).

En outre, cette rétroactivité des effets patrimoniaux n’est pas opposable aux créanciers. Ceux-ci pourront donc saisir ce bien, si l’ex-époux, non acquéreur, est débiteur d’une créance antérieure au divorce.

Option 2 : Insérer une clause de remploi

Si le bien est acheté grâce à des fonds propres, donc relevant d’une donation, d’une succession, ou de de la cession de biens immobilier propres, l’époux peut insérer une clause de remploi (art. 1434 c.civ.). En déclarant « remployer » des fonds propre dans l’acte d’achat, l’époux s’assure que le bien ne tombera pas dans la communauté, avec ou sans l’accord de son conjoint.

La limite de cette option tient à l’existence de ces fonds propres. L’époux doit disposer de fonds de cette nature et en justifier. Très souvent, le notaire exige l’intervention de l’époux non acquéreur à l’acte, si le bien est financé par emprunt. En effet, l’article 1424 c. civ. impose la cogestion des époux pour la constitution de sûretés réelles volontaires. Tel est le cas de l’hypothèque conventionnelle, demandée par le « prêteur de deniers ».

Option 3 : Créer une SCI

La SCI peut rendre difficile l’exercice de ses droits par le conjoint, mais cela ne le rend pas impossible. Si la SCI est créée pendant le mariage, les parts sociales tombent dans la communauté. Donc, a priori, la création d’une SCI ne change rien. Le risque est moindre si la SCI est créée après l’ordonnance de non conciliation (cf. option 1).

Toutefois si les époux s’entendent, ils peuvent prévoir l’intervention de l’époux directement dans les statuts qui stipuleront la renonciation de l’époux à se prévaloir de la qualité d’associé, sans qu’il puisse renoncer pour autant à demander « récompense » pour la valeur de ces parts le jour du divorce. La SCI peut également être créée avec des biens propres et la déclaration de remploi devra être intégrée dans les statuts (cf. option 2).

Option 4 : la clause d’intervention du conjoint

Très souvent les époux imaginent que le fait de faire intervenir son conjoint à l’acte d’acquisition, voire son engagement de s’interdire pour l’avenir de revendiquer des droits sur le bien acquis, suffirait à faire sortir le bien immobilier acheté, de la communauté. Cette clause a une valeur morale, mais est dénuée de valeur juridique. En raison de l’immutabilité des régimes matrimoniaux d’une part, et de l’interdiction faite aux époux de liquider par anticipation leur communauté – sauf divorce par consentement mutuel !

Conclusion : la solution idéale reste donc encore et toujours le divorce par consentement mutuel. Les époux peuvent ainsi décider conventionnellement de la répartition des biens et de leur qualification. Assistés de leurs conseils formés à ces techniques de négociation raisonnée les époux trouveont une solution négociée, et ce, grâce aux modes alternatifs de règlement des différends, dont le succès atteste de l’efficacité. Concilier, c’est apprendre à gérer l’affect Et le patrimoine.